La France a-t-elle basculé à l’extrême droite?

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La France a-t-elle basculé à l’extrême droite?

Qui a gagné les élections législatives 2024 ? Plutôt la droite que la gauche. Surtout, sur le moyen et long terme, quelle est l’évolution des forces ? La France bascule-t-elle vraiment vers l’extrême droite ?

Depuis quelques années une gauche qui s’affaiblit dans les votes et un centre qui se droitise

 Au premier tour des élections présidentielles, en pourcentage des votes exprimés, les voix de gauche et d’extrême-gauche ont atteint, en 2002, en 2007 puis en 2012, 45 %, 36 % puis 44 %. Quant aux voix de droite et d’extrême droite, elles évoluent pendant cette période de 48,5 % à 45 % puis à 47 %. Le reliquat est occupé par le centre (Bayrou). Les résultats du premier tour des diverses élections législatives confirment ce constat : la gauche et l’extrême gauche totalisent 42 % des votes exprimés en 2002, 39 % en 2007, 48 % en 2012. La gauche, très divisée sur la période, n’est ni majoritaire ni dominante mais son étiage total atteint 40 voire 45 % des suffrages.

La situation change en 2017 avec l’effondrement du parti socialiste et l’émergence d’un vote macroniste, catalogué comme centriste, mais qui siphonne surtout, à l’époque, les voix socialistes. Au premier tour des présidentielles 2017, tandis que la droite et l’extrême droite totalisent 48 %, les candidats de gauche et d’extrême gauche ne recueillent que 28 % des voix, et le vote Macron 24 %. Au premier tour des législatives 2017, les partis de gauche totalisent également 28 % des exprimés.  On peut croire alors qu’un vrai bloc émerge au centre, au détriment de la gauche.

En 2022, au premier tour des présidentielles, le candidat Macron, qui a depuis 2017 choisi un premier ministrde droite et mené une politique économique, sociale et fiscale clairement de droite, obtient 27,8 % des voix et siphonne cette fois-ci les voix de la droite traditionnelle. Les candidats de droite et d’extrême droite baissent à 40,2 % et ceux de gauche et d’extrême gauche obtiennent 32 %. Aux législatives, les droites obtiennent 37 % des exprimés, les gauches 33 % et le centre 27 %.

Enfin, aux législatives 2024, l’ensemble des partis de gauche se situe aux environs de 31 % au premier tour tandis que les voix de droite et d’extrême droite avoisinent 45 % et que le parti présidentiel baisse à 20 %.

Il y a donc depuis quelques années droitisation, nettement, du fait de l’affaiblissement de la gauche. En outre, l’on pourrait tout à fait classer à droite le parti présidentiel, qui sur le plan économique et social, a soutenu une politique très favorable aux entreprises et aux ménages aisés et défavorable aux catégories populaires, même s’il est partisan d’un interventionnisme étatique. Certes, les calculs démontrant la droitisation peuvent paraître trop grossiers : il y a plusieurs droites et plusieurs gauches. Pour autant, le basculement au niveau des votes est peu contestable.

 Une montée de l’extrême droite au sein de la droite, favorisée sans doute aujourd’hui par la conjoncture, et une gauche très affaiblie par ses divisions, malgré sa capacité de résistance.

Le Rassemblement national a pris dans l’ensemble de la « droite » une place grandissante. Si on la mesure en nombre de voix et lors des présidentielles, pour ne pas en sous-évaluer le poids du fait d’une abstention élevée aux législatives (du moins quand elles suivent les présidentielles), le seul FN a recueilli, en 2002, 4,8 millions de voix sur 28,5 millions exprimées (soit 16,8 %) ; en 2007, à cause de la candidature Sarkozy qui reprenait ses thèmes, son score a baissé à 3,8 millions sur 36,7 millions d’exprimés ; en 2012, une dynamique positive se réenclenche : 6,4 millions de voix sur 35,9 d’exprimés (17,8 %) ; en 2017, 7,7 millions sur 36 millions de votes exprimés (21,4 %) et, en 2022, 8,1 millions sur 35,1 millions (24,2), malgré la candidature Zemmour qui a réuni 2,5 millions de voix.  Enfin, au second tour des présidentielles 2022, Marine Le Pen a réuni 13,3 millions et 41,5 % des voix.

Au premier tour des législatives 2024, le Rassemblement national a recueilli 9,4 millions de voix et ses alliés directs presque 1,3 million de plus, soit au total 10,6 millions et un tiers des voix exprimées, alors qu’il n’avait obtenu que 18,8 % des voix au premier tour de 2022.

De plus, en 2024, aux élections européennes comme au législatives, le Rassemblement national a gagné des territoires nouveaux et des catégories sociales nouvelles. Par rapport aux législatives de 2022, il a gagné 54 circonscriptions, certes plutôt dans ses régions d’appartenance traditionnelle que par implantation dans les régions où il était faible. Le résultat des élections européennes montre toutefois qu’il progresse partout sur le territoire, sauf dans les agglomérations importantes. Surtout, il a parallèlement étendu son assisse sociale : l’étude IPSOS sur les intentions de vote aux législatives (Sociologie des électorats et profils des abstentionnistes, Élections législatives, IPSOS, 30 juin 2024) montre qu’il a gagné des voix chez les retraités, les femmes, les moins de 35 ans et les hauts revenus, même s’il ne représente encore que 20 % des cadres et des plus diplômés. La spécificité de son électorat demeure (57 % du vote ouvrier, 50 % du vote des Français non satisfaits de leur vie) mais celui-ci se rapproche de la structure de la population.

Parallèlement, la droite traditionnelle (Les Républicains) s’étiole :  en 2017, leur candidat a obtenu 7,2 millions de voix, puis en 2022 1,7 million. Au premier tour des législatives 2024, les candidats des républicains totalisent 2,1 millions de voix. Ce parti devient une force d’appoint.

En outre, idéologiquement, depuis Sarkozy, les Républicains se sont rapprochés, sur certains sujets, du Rassemblement national : certes, sur les finances publiques, la politique européenne, les relations avec la Russie, les choix diffèrent. Pour autant, les Républicains ont rédigé, avec l’accord du parti présidentiel, le récent projet de loi sur l’immigration qui réduisait les droits sociaux des étrangers en situation régulière et entendait restreindre l’immigration ; ils ont projeté de contourner la censure constitutionnelle en tentant (vainement), sur leurs propositions, d’organiser un RIP, référendum d’initiative partagée ; ils partagent également la conception de la sécurité et de l’autorité du Rassemblement national ainsi que ses projets pour l’agriculture (pas de contraintes écologiques) et l’école (fin du collège unique, importance, en histoire, du « récit national », accent sur les apprentissages fondamentaux, orientation précoce vers la voie professionnelle).

Il est vrai que le contexte économique et politique peut expliquer, au moins pour une part, la montée récente de l’extrême droite et celle du mécontentement, que révèle l’étude Fractures françaises de septembre 2023 réalisée par le CEVIPOF et la fondation Jean Jaurès : augmentation de l’opinion selon laquelle la France est en déclin, augmentation forte du sentiment de colère, baisse notable de la confiance envers le Président de la République et envers la démocratie. De fait, le début du deuxième quinquennat Macron a été marqué par un regain de l’autoritarisme présidentiel mais aussi le sentiment d’une absence de projet neuf. Surtout, le contexte économique a renforcé les difficultés financières des ménages modestes : lourde inflation, baisse des salaires réels, hausse des taux d’intérêt rendant malaisé l’accès au crédit à la consommation et à la propriété immobilière. Il y a donc des explications conjoncturelles à la colère.

Au sein de la gauche, c’est également la gauche radicale qui semble (ou semblait) s’imposer : au premier tour des présidentielles 2022, J-L Mélanchon a été rassembleur et obtenu presque 22 % des voix, 7,7 millions de voix (la candidate socialiste s’est effondrée avec moins de 2 % des voix). Pour autant, aux européennes 2024, la liste LFI n’a obtenu que 2,5 millions de voix et environ 10 % des suffrages exprimés tandis qu’après les législatives 2024, le nombre des députés LFI représente 40 % seulement des élus de gauche. En réalité, aujourd’hui, LFI domine la gauche essentiellement par la « brutalisation » du verbe et la peur d’une disparition de la gauche au Parlement s’il y a rupture d’alliance. Sur le fond, LFI est isolé et la gauche, désunie en réalité, est sans force.

Il est vrai toutefois que, au second tour des législatives 2024, elle a montré sa capacité à faire barrage au Rassemblement national. Celui-ci, qui a peu de réserves de voix, à la différence de ses concurrents, peine en effet à s’imposer dans un duel, ce qui lui a nui dès lors que le retrait de certains candidats a réduit fortement les triangulaires.  En définitive, en 2024, 80 circonscriptions ont glissé vers la droite (le Rassemblement national a conquis 28 circonscriptions au centre, 16 à la droite et 6 à la gauche) et 75 circonscriptions ont glissé vers la gauche : le barrage a réussi. Pour autant, les résultats se sont parfois joués sur un fil. 29 députés du Rassemblement national et 19 du Nouveau Front populaire l’ont emporté avec moins de 3 % d’écart des voix : une telle situation a peu de chances de se reproduire, d’autant que l’espérance de vie du Nouveau Front populaire paraît limitée.

Mais la capacité à faire barrage n’empêche pas d’être minoritaire. De plus, les élections présidentielles sont la prochaine échéance : or, elles obéissent à une logique franchement différente de celle des législatives, l’enjeu du vote est plus fort et plus personnalisé, la mobilisation est élevée et les reports de voix jouent au bénéfice de l’extrême droite. Surtout, il est douteux qu’un candidat de gauche s’impose au second tour.

Au-delà de la droitisation, un brouillage des valeurs, voire du clivage droite/gauche /centre

Les historiens sont d’accord : au début du XXe siècle, la gauche était socialiste, et la droite était libérale.  La ligne de partage est restée claire jusque dans les années 1980 : la gauche, attachée à un État providence qui avait créé un système de protection sociale et d’éducation pour tous, représentait la redistribution et un effort vers l’égalité, tandis que la droite était attachée à la réduction du rôle de l’État tout en jugeant les inégalités légitimes.

La frontière s’est certainement brouillée lorsque la gauche, pendant le premier septennat de F. Mitterrand, a non seulement pleinement accepté la doxa capitaliste mais aussi activement participé à la mise en place d’un libéralisme sans grande limite. Des plans d’économies ont été menés dans les hôpitaux et la protection sociale, au nom de la rationalisation des dépenses, par la gauche et par la droite. Le Président Hollande a ensuite incarné le ralliement socialiste à l’économie libérale voire aux valeurs de droite, en axant ses réformes sur la compétitivité des entreprises et la rationalisation du dialogue social, en acceptant sans protester une politique migratoire européenne indigne et en limitant les libertés publiques au nom de la lutte contre le terrorisme. Au demeurant, dès les années 2000, la gauche, par peur de paraître faible, a largement accepté le discours de la droite sur la sécurité et, malgré de faibles sursauts, sa politique de lutte contre la délinquance. Les socialistes ont de plus partagé avec la droite la mollesse du soutien à l’écologie et, malgré des analyses intéressantes, échoué à réformer radicalement l’Éducation nationale ou la politique du logement.  Avec Macron, les électeurs de gauche ont accepté le libéralisme en reportant leurs revendications sur des débats sociétaux, par exemple l’égalité des femmes. Mais le parti socialiste lui-même, vermoulu, divisé, s’est effondré.

Certes, le déclin des socialistes s’est accompagné de la montée d’une gauche radicale, reprenant efficacement les thèmes de la révolte sociale et bien implantée chez les jeunes et les ouvriers (le vote LFI aux présidentielles 2022 regroupait un tiers des jeunes jusqu’à 34 ans, 26 % des diplômés bac + 3 et 23 % des ouvriers).  Cependant, ses méthodes, absence de démocratie interne, culte du chef, fascination pour la dictature, recours à la brutalisation et l’intimidation, augurent d’un destin minoritaire.

En tout état de cause, une grande part des catégories populaires, plus conservatrices sur le plan culturel, s’est rapprochée d’une extrême-droite dont elles apprécient les choix sur la sécurité, l’autorité, le nationalisme et la xénophobie. De 12 % aux présidentielles de 2002, le vote ouvrier (qui a commencé à abandonner la gauche dès les années 80-90) s’est progressivement orienté à l’extrême-droite : au premier tour des législatives 2024, 57 % des ouvriers et 44 % des employés ont voté pour le Rassemblement national, avec des préoccupations où le pouvoir d’achat tenait la première place.

Pour autant, dans l’édition 2022 de Fractures françaises, le clivage droite/gauche n’est pas mort dans l’esprit des gens : il est à 64 % jugé dépassé mais, de manière quelque peu paradoxale, les Français considèrent à 73 % qu’il existe de vraies différences entre la droite et la gauche, opinion partagée par toutes les familles politiques. La dérive droitière du centre n’est pas abordée dans ce débat.

Les signes de brouillage entre la droite et la gauche sur les valeurs et les grands choix restent toutefois clairs.

Certes, dans Fractures françaises 2023, sur des items importants, les clivages traditionnels perdurent : la droite veut plutôt la diminution du rôle de l’État dans l’économie et la gauche son renforcement, même si le choix des Républicains (52 % favorables au renforcement), détonne un peu.

Le clivage attendu perdure aussi sur l’excès d’assistanat (nette majorité à droite pour approuver cette opinion, nette majorité à gauche pour s’y opposer) ou sur la redistribution (« Pour établir la justice sociale, il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres »).

Mais parfois, le brouillage s’installe : sur le fait de savoir si la mondialisation est une menace, la gauche est très partagée (les sympathies socialistes sont 47 % à juger que c’est une opportunité). Sur la question de savoir si les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient, les socialistes, à la différence des autres partis de gauche, sont majoritairement d’accord. Dans une autre enquête d’avril 2021 IPSOS-Sopra-Stéria (La situation politique à un an de l’élection présidentielle), à la question : « Faut-il donner plus de moyens à l’État pour protéger la population ? », 45 % des sympathisants de la gauche (et 47 % de ceux de la droite traditionnelle) refusent de répondre oui ou non.

De même, dans l’enquête Fractures françaises 2023, l’attachement majoritaire aux valeurs du passé (qui a cru depuis 2017) concerne les sympathisants de tous les partis, qui sont aussi tous favorables (entre les 66% et 100 %) à l’arrivée d’un chef qui remettrait de l’ordre.

Surtout, LFI, le PC et les Verts sont les seuls à gauche à affirmer majoritairement qu’il n’y a pas trop d’étrangers en France et les seuls à considérer majoritairement que l’Islam est compatible avec les valeurs de la société française.  Sur les droits humains, la gauche a certes fait barrage en 2024 mais la ligne de clivage avec l’extrême droite s’est déplacée très loin : la gauche refuse la préférence nationale et reste attachée à l’égalité constitutionnelle entre les hommes, mais les sympathisants socialistes sont favorables à une politique migratoire restrictive (sans distinction entre les différents « étrangers ») et au rejet de l’Islam.

Par ailleurs, les choix du Rassemblement national contribuent au brouillage : dans Fractures françaises 2023, ses sympathisants détonnent au sein de la droite en jugeant à 80 % que la mondialisation est une menace. Pour autant, ils reviennent à une position classique de droite en restant très majoritairement favorable à la limitation du rôle de l’État dans le domaine économique et en jugeant massivement qu’il y a trop d’assistanat. Toutefois, ils répondent oui à 59 % quand la question porte sur la redistribution (Faut-il prendre aux riches pour donner aux pauvres ? »). De même, quand la question sur l’intervention de l’État prend une connotation protectrice, comme c’est le cas dans une enquête d’avril 2021 IPSOS-Sopra-Stéria (La situation politique à un an de l’élection présidentielle), « Faut-il donner plus de moyens à l’État pour protéger la population ? », les sympathisants RN se prononcent à 47 % positivement, ce qui contraste avec les autres prises de position. En fait, le Rassemblement national oscille entre des positions libérales et une promesse de protection des petits contre l’ouverture commerciale au monde, la captation supposée des richesses par les migrants, une taxation étatique jugée excessive. En 2024, au moment où il a cru à une arrivée au pouvoir, ses hésitations sur le programme témoignent de ses limites : il est resté idéologiquement un parti protestataire et il ne saurait pas bien comment répondre aux aspirations qu’il a suscitées.

Des bizarreries dans les enquêtes : réponses de circonstance ? contradictions mal assumées ?

 Les enquêtes d’opinion suscitent parfois des doutes.

L’enquête Fractures françaises relève en 2022 et 2023 que 66 % de la population pensent qu’il y a trop d’étrangers en France. Une étude BVA réalisée au premier trimestre 2023, sur demande de la Fondation Jean Jaurès, indique en outre que le terme immigration évoque pour les personnes interrogées la violence et la délinquance (à 42 %) ainsi que l’islamisme (à 32 %) ; 60 % des Français pensent que les immigrés ne sont pas bien intégrés et 43 % seulement considèrent l’immigration comme une chance, 56 % étant d’un avis contraire. Pourtant, en janvier 2022, le baromètre de la confiance note que pour 49 % des Français, l’immigration est source d’enrichissement culturel et les enquêtes Fractures françaises 2022 et 2023 placent l’immigration au 5e rang puis au 4e rang des préoccupations des Français, très loin derrière le pouvoir d’achat (54 et 46 %), bien après l’environnement (34 % et 30 %) et derrière l’avenir du système social (26 % et 24 %). Or, par la suite, aux législatives 2024, l’item bondit au second rang, juste après le pouvoir d’achat avec 40 % des préoccupations. La réponse des Français répercute-elle leurs préoccupations ou le débat social qu’ils entendent ?

Inversement, l’on a le sentiment, parfois, que la xénophobie et le racisme sont sous-estimés.  comment concilier la hausse régulière depuis 2014, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, de l’indice de tolérance du baromètre « racisme » (un bon score, avec 65 points sur 100 jusqu’en 2022 avant une légère baisse en 2023), avec les déclarations des personnes interrogées qui, à 60 %, pensent que les immigrés viennent en France uniquement pour les aides sociales, à 43 % que les enfants d’immigrés nés en France ne sont pas vraiment Français et que la principale cause de l’insécurité est l’immigration ? ou avec l’ouvrage de terrain de Félicien Faury (Des électeurs ordinaires) selon lequel le fondement du choix du vote Rassemblement national est le racisme et la xénophobie et la volonté de faire disparaître de leur monde des étrangers dont le voisinage les disqualifie socialement ?

Comment concilier l’affirmation du Barème de la confiance politique 2023 selon laquelle 71 % des Français pensent que « l’économie actuelle profite aux patrons au détriment de ceux qui travaillent » et celle de Fractures françaises 2023 qui chiffre à 52 % seulement le pourcentage de Français qui veulent renforcer le rôle de l’État dans l’économie ?

Sur un autre thème, comment concilier le constat de Fractures françaises 2021 selon lequel 51 % des Français pensent que la société évolue toujours vers plus de progrès et le chiffrage de l’enquête électorale IPSOS-SOPRA-STERIA d’avril 2021 où 64 % des Français jugent que la société se détériore au fil des années, 4 % seulement estimant que ce n’est pas vrai ?

Et comment concilier le constat de Fractures françaises 2023 selon lequel, pour 35 % des Français (la moitié pour les sympathisants RN), la démocratie n’est pas le meilleur système et celui de Fractures françaises de l’année précédente selon lequel, malgré tout, 44 % des Français sont attachés à la démocratie représentative tandis que 37 % souhaitent un infléchissement vers un modèle de démocratie plus participative où le peuple serait davantage consulté ? Ou avec le diagnostic de l’étude IPSOS Jean Jaurès de mars 2023 sur La société idéale, selon laquelle 7 % seulement des Français souhaitent un homme fort pendant que 43 % veulent une « réforme en profondeur » mais pas radicale ?

D’où vient ce sentiment absence de clarté ? Sans doute parfois de réponses influencées par la conjoncture et les débats publics, ou alors de contradictions personnelles et d’hésitations mal tranchées. Peut-être aussi de l’absence de cohérence des répondants. Après tout, les partis qui les représentent le sont-ils eux-mêmes ? Le parti socialiste n’est-il pas plutôt au centre économiquement et pas vraiment universaliste à l’égard de la religion musulmane ?  Le centre macroniste n’est-il pas plutôt, économiquement, socialement, culturellement, très à droite ? Et le Rassemblement national est-il cohérent quand il ne voit aucun racisme dans le fait de discriminer les immigrés, refuse d’être catalogué anti-européen alors même qu’il veut diminuer les compétences de l’Union ou nie son évident climato-scepticisme. La vérité dans les déclarations publiques ou les enquêtes d’opinion, c’est « Attrape-moi si tu peux ».

 Pergama, le 23 juillet 2024