L’écologie : un dossier en (grande) souffrance

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15 septembre 2024

L’écologie : un dossier en (grande) souffrance

Comme dans tous les ministères, le budget 2025 de la transition écologique est dans les limbes. Mais l’inquiétude y est sans doute plus forte qu’ailleurs : il était implicitement entendu que, comme en 2024, où 7 Mds supplémentaires ont été accordés par « souci de cohérence avec les trajectoires physiques de la planification énergétique », le budget 2025 devait assumer une montée en charge de la transition. Or, lorsque le premier ministre démissionnaire a envoyé aux ministres les lettres plafonds nécessaires à l’élaboration de leurs propositions, le budget de la transition écologique a été amputé de 1,5 Mds, par diminution du « Fonds vert » destiné à aider les projets environnementaux de collectivités.

La décision augure mal des choix budgétaires futurs, d’autant qu’on ne sait plus vraiment où en sont les travaux du secrétariat à la planification écologique placé auprès du Premier ministre. Cette instance, créée à grands sons de trompe pour démontrer les ambitions écologiques du quinquennat, a publié il y a un an 250 indicateurs pour « suivre » la réalisation des objectifs à atteindre d’ici 2030 et, en juillet 2024, un guide de tout ce qu’il faudrait faire pour réussir, qui assurait parallèlement que la France est sur la bonne voie.

Au-delà des questions budgétaires, les ONG environnementales, les professionnels de l’énergie et les divers think-tank qui travaillent sur la transition énergétique s’inquiètent de l’avenir même de la politique de lutte contre le réchauffement climatique et de la protection de l’environnement, dans un contexte politique peu favorable : non seulement il n’existe pas de consensus au Parlement mais la majorité des parlementaires (LR, le Rassemblement national et une grande part du mouvement Ensemble) est soit hostile, soit indifférente.

L’inquiétude est d’autant plus forte que depuis 2022 des textes qui devaient être pris ne l’ont pas été et que des plans qui devaient être élaborés n’ont pas été publiés. Le Haut Conseil pour le climat en a dressé la liste, d’abord dans une lettre au Premier ministre d’avril 2024, puis dans son rapport annuel de juillet 2024 : la loi de programmation énergie et climat censée définir les objectifs de la politique énergétique nationale sur deux périodes successives de 5 ans, loi qui, selon les textes, aurait dû être adoptée avant le 1er juillet 2023, a été abandonnée au printemps 2024, faute de certitude sur son adoption par une Assemblée très divisée. Il a alors été décidé qu’elle serait remplacée par la seule « programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE), document technique qui existe depuis la loi de 2015 pour définir le mix énergétique prévisionnel. La PPE 2024-2035 devait être adopté par décret. Mais elle n’est toujours pas parue, sachant que la précédente PPE est obsolète depuis 2020, puisqu’elle n’intégrait ni le nouvel objectif de baisse des émissions de GES en 2030 à -55 % (au lieu de 40 %) ni les récentes perspectives d’augmentation de la consommation électrique.

Pas de PPE donc, pas non plus de Stratégie nationale bas carbone (SNBC), document prévu par la loi qui chiffre, par période de 5 ans, les « budgets carbone » à respecter, globalement et par grand secteur d’activité, pour garantir le plafonnement des émissions. Comme la PPE, l’ancienne SNBC est devenue obsolète en 2020. La nouvelle SNBC devait être présentée au moment où la dissolution de l’Assemblée nationale a tout interrompu. La crainte de l’association Négawatt est que de telles reculades et négligences, renoncement à la loi de programmation énergie / climat, absence de PPE et absence de SNBC, ne soient pas vraiment involontaires mais signifient que le nucléaire doit être désormais l’« unique clef de la transition énergétique », que les énergies renouvelables ne seront plus qu’un complément marginal et que l’obligation de sobriété sera oubliée. Pourquoi s’embêter à prévoir les composantes du mix énergétique à 5 et 10 ans dès lors que le nucléaire écrasera tout ? S’il s’agit là d’une décision, elle est très imprudente, compte tenu des délais de construction des nouveaux EPR et de l’augmentation de la demande électrique.

De même, le 3e plan national d’adaptation au changement climatique, que l’on dit prêt, n’a pas été publié, pas plus que la stratégie Energie climat, à transmettre à Bruxelles avant fin juin 2024, n’a été transmise.

Enfin, la loi de programmation des finances publiques doit en théorie prévoir, depuis un amendement de septembre 2023, la présentation au Parlement d’une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique : nul ne sait où en est ce document.

L’ensemble de ces décisions relèvera sans doute du nouveau gouvernement, mais celui-ci héritera aussi de la crise agricole et des décisions hostiles à l’environnement qui en ont découlé.

Peut-on attendre sans cesse, comme on le fait depuis des années ? Dans son rapport 2024, le Haut conseil pour le climat soulignait que la transition a besoin de lisibilité et de cohérence dans le temps et qu’il faut l’anticiper et l’accompagner : les entreprises doivent pouvoir préparer ce qui les attend. Bref, le temps perdu ne se rattrape pas.