La pénurie d’enseignants se poursuit

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La pénurie d’enseignants se poursuit

Sur le résultat des concours d’enseignants, le communiqué du Ministère de l’Éducation nationale publié le 8 juillet 2024 se veut triomphant : l’amélioration serait nette par rapport à 2023. Les chiffres présentés ne sont pas lumineux : le ministère annonce, pour le concours de professeur des écoles, 10270 postes offerts et 8920 admis, ce qui donne 1350 postes non pourvus et un taux de postes pourvus de 86,8 % : or, le ministère avance 1163 postes non pourvus et un taux de 88,3 % (très légèrement supérieur à celui de 2023) parce qu’il tient compte du concours supplémentaire organisé en 2024 dans les académies déficitaires de Créteil et de Versailles.

Pour les concours second degré, le ministère publie le nombre des admis tous concours confondus (enseignants, conseiller principal d’éducation, psychologue), ce qui permet d’améliorer un peu le taux d’admission par rapport à 2023 : 88,3 % pour 86,3 %. Or, pour les seuls enseignants, le taux est un peu moindre, 87,6 % (12 686 postes offerts et 1575 postes non pourvus).

Peu importe au demeurant : le triomphalisme n’a pas lieu d’être. Les tensions perdurent et elles touchent tous les concours : il est vrai que, pour les professeurs des écoles, quatre académies seulement sont touchées : Créteil, Versailles, la Guyane et Mayotte, sachant toutefois que les autres académies ont été autorisées à recourir aux listes complémentaires, ce qui montre que les tensions sont plus généralisées qu’il n’y paraît.  Mais dans le second degré, le taux de postes pourvus à l’agrégation externe est de 94 %, au CAPES de 86,4 % (80 % en mathématiques), de 77 % dans l’enseignement technique et de 80 % dans la voie professionnelle. Qu’il y ait une légère amélioration par rapport à 2023 (sauf pour l’agrégation et l’enseignement technique) ne change pas grand-chose : les manques se cumulent au fil des ans.

La situation est d’autant plus préoccupante que la réforme instituant des groupes de niveaux au collège à la rentrée 2024 sera consommatrice d’emplois.

Si l’on met à part les mesures d’amélioration de la rémunération, dont l’impact est difficile à décoder pour un étudiant (augmentation de la prime de suivi et d’orientation des élèves, revalorisation de la prime d’attractivité, offre de missions complémentaires rémunérées), la seule réforme structurelle annoncée pour améliorer l’attractivité est le projet de déplacement du positionnement  du concours : reculée lors du premier quinquennat Macron à la fin de la deuxième année de master, ce qui a certainement contribué à assécher encore davantage le vivier, la date serait avancée à bac + 3, comme avant 2010, mais sans renoncer à la mastérisation, en prévoyant une rémunération pendant les études de master.

C’est sans doute une bonne décision. Mais il faudrait que s’enclenche dès maintenant une réflexion d’ensemble sur la formation initiale ainsi allongée, voire sur la formation continue, si l’on souhaite parallèlement répondre au constat d’enseignants qui se jugent mal préparés à leur métier. Un rapport sénatorial de juin 2024 (rapport d’information Billon/ Brisson), considérant qu’il faut éviter que la mesure de repositionnement du concours corresponde simplement à un changement formel sans tendre à des améliorations qualitatives, a voulu combler le silence des décideurs sur ce point : il propose de professionnaliser la formation dès la licence (avec des stages notamment), d’alléger à un tiers au lieu de 50 % le temps de présence devant les élèves pendant la préparation du master et surtout d’inscrire la formation initiale dans une formation « continuée » pendant 3 ans après la titularisation. Il indique également vouloir rendre effective l’obligation de formation continue des enseignants inscrite dans la loi mais non respectée et améliorer sa qualité.

De nombreux experts jugent qu’une réflexion globale sur l’attractivité serait nécessaire dans un contexte où la pénurie d’enseignants devient structurelle, réflexion intégrant la question de la rémunération, les conditions de travail, l’affectation, la formation…A l’automne 2023, G. Attal, alors ministre, avait prévu des groupes de concertation sur ces sujets, qui n’ont ensuite pas été réunis.

En attendant, le seuil d’admission au concours des enseignants diffère de plus en plus selon les académies, les inégalités augmentent entre départements comme entre rural et urbain, les heures supplémentaires des enseignants explosent et le nombre des contractuels augmente (10 % des enseignants dans le second degré en 2022-2023, 9 % en 2021), recrutés souvent à bac + 3, mal formés et aux conditions de vie difficiles.

Il serait utile qu’un ministre s’installe durablement à l’Éducation nationale, qui ne se contente pas de vouloir restaurer l’autorité et orienter prématurément les élèves mais s’intéresse aux vrais sujets…