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Emploi des seniors : encore une occasion manquée

Chacun convient qu’avant de faire adopter la loi du 14 avril 2023 portant recul progressif à 64 ans de l’âge de la retraite, il aurait fallu se préoccuper de l’emploi des seniors, qui, malgré une nette tendance à l’amélioration depuis 15 ans, reste médiocre : en 2022, le taux d’emploi des seniors de 55 à 64 ans est de 56,9 % (nettement inférieur à la moyenne européenne de 62,3 %) mais avec une forte différence entre la tranche d’âge 55-59 ans (76,4 %) et la tranche 60-64 ans (36,2 %). Pour cette dernière tranche d’âge, la moyenne européenne est proche de 50 % et certains pays atteignent 60 voire 70 %.

Pour améliorer l’emploi des seniors, le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux, en novembre 2023, de négocier un accord, sur le fondement d’un document d’orientation qu’il a rédigé et qui suggérait diverses pistes : une négociation collective sur la gestion des âges en entreprise ou par branche,  des aménagements de fin de carrière et l’amélioration des transitions emploi-retraite, le renforcement de l’accès des seniors à la formation,  l’amélioration générale des conditions de travail, la lutte contre les discriminations d’âge, sachant qu’il était également entendu que les conditions d’accès à l’assurance chômage (plus favorables à partir de 53 ans, tant pour l’appréciation de la durée préalable d’activité que pour la durée d’indemnisation) devaient être revues.

Par ailleurs, le document d’orientation du gouvernement demandait des propositions sur la prévention de l’usure professionnelle et les reconversions.

La négociation a échoué, même si deux accords ont été signés entre certaines organisations syndicales de salariés et une seule organisation patronale, l’Union des entreprises de proximité, sur les reconversions professionnelles et le compte d’épargne temps universel.

Sur l’emploi des seniors, les organisations syndicales souhaitaient un droit opposable à la retraite progressive à partir de 60 ans, l’établissement d’une cartographie des métiers « à risque », assortie d’un plan de prévention obligatoire de la pénibilité et d’aménagements de fin de carrière et l’obligation de négocier un plan de développement des compétences dans les entreprises de 1000 salariés.

Les organisations patronales souhaitaient un CDI proposé aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus, CDI qui se terminerait dès que la personne disposerait d’une retraite à taux plein et qui bénéficierait d’exonération de cotisations.

L’échec de la négociation permet au gouvernement de décider.

Reste que en proposant une mesure peu engageante (il existe déjà un CDD senior) et qui ne modifie pas les pratiques RH en entreprise, les organisations patronales ont manifesté une mauvaise volonté certaine sur ce thème, qui relève pourtant de leur responsabilité d’employeurs. Cela augure mal de la mise en place de mesures de prévention de la pénibilité et de prise en charge de celle-ci en fin de carrière, si du moins l’État s’y résout. Une pénalisation des entreprises si l’emploi des seniors ne s’améliore pas devient très peu probable.  Si la prise en charge des seniors par l’assurance chômage est parallèlement dégradée, les seniors seront bien, au final, les sacrifiés de la réforme des retraites.