Pour un président qui se représente, construire un programme consistant et mobilisateur est un défi. Qu’il s’aventure à reprendre des propositions avancées 5 ans plus tôt ou en propose de nouvelles, il s’expose au reproche de ne pas les avoir mises en place comme promis ou de ne pas en avoir compris la nécessité auparavant. Empêché par les crises de réaliser pleinement son programme de 2017, le président Macron est davantage protégé de ces critiques. Il aurait pu, pour solliciter un second mandat, construire un programme conjuguant l’ancien et le neuf. Il aurait pu annoncer d’abord qu’il prolongerait et complèterait certains efforts, dans le domaine de la Défense, de la Justice, qui se sent exsangue (les conclusions des États généraux vont « tomber » juste après les présidentielles) et de l’Education nationale, où la mesure emblématique de dédoublement des classes de CP paraît un peu courte pour dominer « les inégalités de destin » des élèves relevant de l’Education prioritaire. Il aurait pu ensuite reprendre la part de son programme qui n’a pu être menée à bien, quitte à tenir compte des leçons du quinquennat passé ou du nouveau contexte, par exemple dans le domaine des retraites, des finances publiques ou de la fiscalité écologique ; enfin innover, puisqu’il n’a cessé de dire qu’il avait « appris » des crises : or, celles-ci nous ont sensibilisés à la capacité de production nationale de biens essentiels, à la situation du système de santé, à la nécessité de rénover notre démocratie, à la transition énergétique enfin, domaines où les résultats patinent et où manque une réflexion sur la méthode.
Emmanuel Macron n’a pas fait ce choix : il aurait fallu qu’il tire un bilan plus réaliste et moins triomphant du quinquennat passé. Certain d’être réélu, tout aussi certain de pouvoir récuser tous les bilans (les crises ont tout perturbé), il a construit un programme court mais éparpillé, avec des propositions connues, d’autres provocatrices, d’autres creuses, en tout cas sans ressort ni souffle. Ce qui est inquiétant pour l’avenir, c’est qu’un tel projet ne répond ni aux besoins de la population ni à ses grandes anxiétés.
Entre l’ancien programme et le nouveau : les redites et les oublis, l’enthousiasme en moins
Les engagements pris lors de la campagne présidentielle 2017 portaient sur un nouveau modèle de croissance lié à un effort d’investissement et d’innovation. Le discours volontariste d’E. Macron ambitionnait alors de placer la France au premier rang de l’entreprenariat et présentait la mondialisation comme un combat à gagner : montée en gamme de notre industrie grâce à la recherche, création d’emplois et enclenchement d’un cycle de croissance. La baisse des impôts des entreprises était présentée comme un investissement, tout comme le développement de l’apprentissage et de la formation professionnelle.
Désormais, le candidat soutient, sans doute avec un peu d’imprudence compte tenu du contexte international, que la croissance est là et le chômage quasiment vaincu.
Les investissements dans la recherche et l’innovation sont pourtant toujours mentionnés dans le programme 2022. Mais les promesses que la France sera « un pays en tête » pour le nucléaire, les batteries, l’hydrogène, les énergies renouvelables, l’avion bas carbone et l’agriculture du XXIe siècle, largement liées au plan d’investissement « France 2030 » d’octobre 2021, parlent d’un avenir bien lointain, allant au-delà de 2030. Il s’agit là en partie de souveraineté, ce qui touche juste. Pour autant, la multiplicité des plans d’investissements publics qui s’enchevêtrent depuis 2017, avec la succession d’un grand plan d’investissements de 57 Mds, puis d’une nouvelle vague des programmes d’investissement d’avenir de 20 Mds (les PIA, lancés en 2010) intégrée dans le plan de relance de 100 Mds de 2020, puis, désormais, le plan France 2030 (34 Mds) soulève des interrogations. Tous ces plans qui se recouvrent plus ou moins sont-ils coordonnés, ciblés sur l’essentiel, efficaces ? En octobre 2021, concluant son examen des PIA sur l’ensemble de la décennie 2010-2020, la Cour des comptes affirmait avec simplicité qu’il n’existait pas, « pour le moment », d’évaluation de leurs effets macro-économiques, qui serait, il est vrai, méthodologiquement compliquée. En l’occurrence, les projets de France 2030 sont d’appréhension complexe, avec un impact très incertain sur la croissance et l’emploi.
Reste donc, à plus court terme, l’annonce que, pour financer la nouvelle réduction des impôts promise aux entreprises et aux ménages (15 Mds), il faudra que la population travaille plus longtemps, ce qui est sans doute moins mobilisateur qu’un élan vers la prospérité. Le programme promet pourtant le plein emploi (un taux de chômage à 5 %), ce qui, compte tenu des fragilités de la conjoncture actuelle et des conséquences prévisibles de l’augmentation de l’âge de la retraite sur le chômage, laisse quelque peu dubitatif.
La grande différence avec 2017, c’est l’absence, dans la synthèse écrite du programme, de toute allusion au rétablissement des finances publiques. E. Macron s’engagerait toutefois (il l’a dit oralement) à revenir en 2027 à un déficit public de 3 % et à commencer à rembourser la dette vers la fin du quinquennat. Les 50 Mds de nouvelles dépenses et de baisse des impôts (7 Mds en faveur des entreprises, avec une nouvelle diminution des impôts de production complémentaire de celle de 2020, et l’équivalent pour les ménages, avec notamment la baisse des impôts sur les successions et la suppression de la contribution à l’audiovisuel public) seraient financées par les économies liées à la réforme des retraites (chiffrée à 15 Mds, somme que le séminaire du Conseil d’orientation des retraites baisse à 10 Mds compte tenu de l’augmentation corrélative des prestations sociales compensatrices d’un chômage accru des seniors) et par d’autres économies aux sources plus floues (lutte contre la fraude, réduction de niches fiscales, modernisation de l’Etat, « régulation des prestations sociales »). Les effets d’une croissance élevée financeraient le solde.
Le chiffrage d’ensemble est clairement désinvolte. Mais c’est le cas, il est vrai, pour tous les candidats et pour tous les programmes. Quant à faire financer l’allègement des droits de succession par un allongement de la vie active qui va toucher surtout les non cadres, c’est une présentation risquée.
Au-delà du thème économique, le programme s’inscrit souvent dans la continuité des actions promises en 2017 ou menées lors du quinquennat : il est toujours question de « transformer l’Etat par le numérique », utopie techniciste qui prend mal en compte le cœur des métiers publics (les services publics se portent-ils mieux depuis 5 ans ?). De même, le futur président poursuivra (sans autre détails) « la modernisation du Code du travail engagée en 2017 ». Le programme s’engage à rénover toujours plus de logements (700 000 désormais), faute que cela ait été réalisé précédemment, malgré les plans répétitifs engagés depuis la loi de transition énergétique pour la croissance de 2015 censée lancer ces opérations. Il est prévu de créer une force aux frontières pour renforcer les frontières nationales (mais n’existerait-elle pas déjà ?) et de « continuer à faire reculer l’Islam radical » en promettant la fermeture des mosquées et des écoles islamistes (la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ne suffit pas ?)
Faut-il vraiment une énième réforme de l’asile pour accélérer encore les délais, affirmer une énième fois que les titres de long séjour ne seront accordés aux étrangers que sous condition de maîtrise de la langue et d’insertion et que les déboutés de l’asile devront partir, tout comme les étrangers qui troublent l’ordre public (les textes le prévoient déjà) ? Relancer l’idée, qui a fait flop, d’un service militaire universel ? Prévoir que les mineurs délinquants, confiés dans le programme 2017 d’E.Macron aux centres éducatifs fermés, peuvent désormais relever des militaires ? Qu’est-ce qui justifie ces redites ou cette insistance ? Le président veut manifestement montrer qu’il y aura, dans la France de demain, de l’autorité.
Des propositions idéologiques, au risque d’être peu réalistes et peu efficaces
La « pêche » aux voix de droite du programme Macron 2022 est une évidence. Certaines propositions sont directement issues des programmes de N.Sarkozy de 2007 et de 2012 : ainsi, la confusion du mandat des élus régionaux et départementaux (qui ne simplifie nullement le millefeuilles territorial mais se contente de réduire le nombre d’élus) ; la conditionnalité du versement du RSA à une « activité » censée favoriser l’insertion du bénéficiaire ; la proposition aux enseignants d’un « pacte avec, pour ceux qui l’acceptent, de nouvelles missions et des rémunérations augmentées » et la « transparence des indicateurs de réussite éducative au niveau local » ; le choix de réformer le système de retraites par le recul de l’âge (indolore pour les cadres) et non par l’allongement des annuités exigibles est également semblable à celui de N. Sarkozy.
Sur cette tonalité droitière, certaines phrases du programme, qui évoquent une menace latente venant de certains membres de notre société, sont révélatrices : notre unité nationale est reconnue fragile, « sans compter ces mouvements qui, faisant passer les identités devant la citoyenneté, les communautés devant la Nation, fragilisent ce que nous avons en commun »; « Notre souveraineté et notre démocratie ne sont pas négociables » ; « Nos lois et nos valeurs ne sont pas négociables ». Mais qui les menace ? D’autres candidats ? Des communautés islamistes dangereuses ? L’islamo-gauchime des universités ? Que n’a-t-on agi contre ces agissements s’ils sont criminels? Le candidat Macron promet en tout cas, outre le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique et dans les transports aux heures de pointe, de constituer une « Force d’action républicaine » pour rétablir en urgence l’ordre « dans les quartiers en crise ». La France serait donc un pays menacé de l’intérieur…C’est ce que dit constamment la droite et l’extrême-droite, est-ce la réalité ?
La réforme sur les retraites se fera, complétée ou pas par « la juste prise en compte des cas d’incapacité, des carrières longues ou pénibles » et par la suppression des principaux régimes spéciaux pour les nouveaux entrants. En revanche, les réformes concernant le RSA ou les enseignants laissent sceptique.
En 2012, Nicolas Sarkozy voulait déjà imposer des contrats de 7 heures hebdomadaires de travaux d’intérêt général aux bénéficiaires du RSA (payées au SMIC il est vrai mais avec une baisse corrélative du RSA) et, depuis lors, plusieurs Présidents de Conseils départementaux (Aisne, Haut-Rhin) se sont engagés dans des démarches proches, prévoyant de 7 à 35 heures hebdomadaires de bénévolat obligatoire (sans rémunération).
Ces dispositions posent des problèmes de faisabilité (comment organiser ces heures de travail et les encadrer ?) et surtout des difficultés juridiques, sauf à pouvoir recourir au « travail forcé » des anciens bagnards. En réalité, il suffirait d’appliquer la loi et, en particulier, les articles L 262-34 et L 262-35 du Code de l’action sociale et des familles : ces textes conditionnent déjà le RSA à des obligations favorisant l’insertion professionnelle. Sauf à risquer la suspension de la prestation, le bénéficiaire a obligation de signer et d’honorer un contrat dans lequel, en contrepartie d’un accompagnement et de propositions d’actions qui l’aident à s’insérer, peuvent être prévues des heures de formation, l’acceptation d’un travail correspondant à ses compétences, voire (le Conseil d’Etat l’a confirmé dans son arrêt 411630 du 15 juin 2018) des heures de bénévolat, le tout étant obligatoire : le bénéficiaire doit toutefois être apte à une insertion professionnelle, ces heures doivent y contribuer et l’obligation rester compatible avec la recherche d’un emploi. En revanche, en dehors du « contrat d’insertion », il n’est pas possible d’imposer uniformément un nombre donné d’heures de travail gratuit à des bénéficiaires du RSA, ce qui serait d’ailleurs contraire aux principes élémentaires du droit du travail. Il est vrai que le système de l’insertion se révèle défaillant : selon le rapport de la Cour des comptes de janvier 2022, seulement 4 bénéficiaires du RSA sur 10 sont effectivement accompagnés, l’accompagnement social connaît de « graves carences » et l’accompagnement professionnel de Pôle emploi est bien trop léger. Pour obtenir de meilleurs résultats, mieux vaudrait appliquer les textes plutôt que les durcir en inventant des obligations de travail hors contrat. La question à résoudre est d’améliorer le fonctionnement de Pôle emploi et des services des Conseils départementaux.
Quant au Pacte proposé aux enseignants qui donnerait, à ceux qui l’acceptent, une meilleure rémunération en contrepartie de missions nouvelles, il est extraordinairement maladroit, de même que l’engagement de « transparence des indicateurs de réussite au niveau le plus local », en clair la publication de l’évaluation individuelle des enseignants en fonction de la mesure des compétences acquises, en fin d’année, par leurs élèves. Ces projets qui figuraient dans le programme de N. Sarkozy en 2007, tout comme la plus grande autonomie budgétaire et pédagogique des établissements proposée également aujourd’hui, n’ont, au demeurant, pas été suivis d’effet à cette époque.
L’évolution du métier d’enseignant et des obligations professionnelles des professeurs est indispensable. Il faudrait de fait donner plus de liberté aux établissements, leur permettre de se doter d’un projet en propre et de construire sur ce fondement une véritable communauté éducative. Enfin, l’évaluation des compétences des élèves est éclairante, la preuve en est de l’écho donné à celles de l’OCDE. Mais ici les propositions suintent le mépris patronal envers les enseignants incapables et paresseux (qui resteront mal payés mais en feront moins que les autres) qu’il faut séparer des enseignants méritants (qui seront mieux payés mais assumeront mieux les missions du métier). La présentation orale du Président précisait qu’il n’y aurait plus de nouveaux recrutements sans nouveau « contrat » (on n’est plus alors dans le volontariat).
Quoi qu’on pense de l’éducation en France, si l’on veut véritablement avancer, il faut le faire avec netteté mais respect. Aucune réforme d’envergure ne peut se faire sans fermeté mais aucune non plus en faisant le tri entre les enseignants, les bons qui lors du COVID ont suivi leurs élèves et ceux qui ont « disparu ». Telles qu’elles figurent dans le programme, les annonces du candidat Macron n’engagent pas à une réforme mais ouvrent un conflit dont le pays n’a pas besoin.
Il existe par ailleurs des doutes scientifiques sur l’efficacité d’une évaluation des enseignants grâce aux tests passés par leurs élèves. Les nombreuses expériences de « paiement au mérite » des enseignants qui ont eu lieu aux Etats-Unis sur le fondement de tests en montrent les limites : le travail réalisé en une année scolaire est difficile à mesurer ; la réussite tient aussi à l’établissement et, souvent, à une équipe éducative et pas à un seul enseignant ; les tests ne permettent pas en soi d’améliorer les pratiques éducatives des enseignants ; ils incitent même ces derniers à délaisser les activités « non mesurables » voire à se consacrer à leur préparation ; la méthode enfin tend à rejeter sur les enseignants la médiocrité des résultats des élèves pourtant liée aussi à leur origine sociale, à leur parcours et aux moyens donnés (formation, financement de projets éducatifs, temps de concertation entre enseignants). Bref, de telles évaluations ne sont pas justes.
Questions graves, réponses anecdotiques ou techniques
Enfin, le programme traite par-dessus la jambe la question de la dépendance, de l’hôpital, du logement et de la justice et, plus encore, celle du fonctionnement de la démocratie et de la transition écologique.
Sur la dépendance, les annonces portent sur la fusion entre les services de soins et d’aide à domicile, sur 2 heures d’accompagnement supplémentaire par semaine et sur des promesses de recrutement en EHPAD de 50 000 infirmiers ou aide soignants supplémentaires. La « grande loi » sur la dépendance qui devait modifier radicalement la prise en charge est loin. Oubliées les pistes du rapport Libault de 2019, qui voulait sortir de l’opposition entre domicile et établissement, en créant des habitats intermédiaires sécurisés où la personne âgée se sentirait chez elle. Oublié le choix de maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées en milieu ordinaire de vie et de décloisonner les structures, les EHPAD étant désormais chargés de l’organisation de ce maintien à domicile dans ces habitats adaptés. Oubliée la multiplication des structures d’accueil de jour ou de séjour temporaire. Il est peu question de l’attractivité des métiers du grand-âge et pas du tout de la réforme de la tarification des services à domicile pour permettre un accompagnement nettement plus étoffé et améliorer la qualification des personnels d’accompagnement.
Quant à la santé, outre le retour des bilans de santé complets et gratuits à des âges clefs que la sécurité sociale a abandonnés il y a des années pour leur inutilité (la prévention médicale doit être ciblée), il est question de « poursuivre le sauvetage de l’hôpital » par des recrutements, de mettre en place une conférence pour trouver (enfin) le bon moyen de lutter contre les déserts médicaux, de mieux articuler hôpital et médecine de ville (c’était l’objet de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé votée pendant le quinquennat) ; la question du logement n’est traitée que par le retour d’une caution publique pour les locataires, mise en place en 2014 par la loi ALUR sous le nom de garantie universelle des loyers puis « oubliée » ensuite par le premier ministre Manuel Valls. Pour la justice, on s’en tient au développement des amendes forfaitaires et au recrutement de nouveaux magistrats et, pour la réforme de l’Etat, à la création d’un numéro unique quel que soit le problème posé, mais (c’est mieux) « avec une personne au bout du fil ». Tout cela est léger et parfois anecdotique.
Les deux domaines où les réponses sont les plus décevantes concernent la démocratie et l’écologie.
Le chantier de la démocratie est traité par le retour à la réforme institutionnelle proposée en 2017 et bloquée par le Sénat (sans garantie de la mener à bien) et par la réunion d’une convention citoyenne chargée de réfléchir sur la fin de vie (une précédente a déjà travaillé sur le même sujet en 2013, sans que son travail, remarquable en tous points, ait jamais été utilisé). On voit mal comment de telles propositions pourraient répondre aux exigences de renouvellement démocratique exprimées pendant le quinquennat.
Pour ce qui est de la transition écologique, même si est prévue une taxe carbone aux frontières européenne (décision qui ne dépend pas de la seule France), elle est abordée, pour l’essentiel, par des mesures techniques : construction de 6 réacteurs nucléaires, consolidation d’une filière d’hydrogène, production massive de voitures électriques, filières de recyclage des déchets. Pour l’agriculture, il n’est pas question de pratiques plus respectueuse des sols, de l’environnement, du bien-être animal ni de protection de la biodiversité : il est question de faciliter l’installation des nouveaux agriculteurs et de réaliser des investissements massifs (robotique, sélection variétale) pour rendre l’agriculture plus productive et plus innovante…Les seuls engagements non technicistes portent sur la plantation d’arbres (or de très nombreux arbres sont plantés en France, la question est de savoir s’il s’agit des bonnes espèces et des lieux où c’est souhaitable) et sur l’engagement de « toujours mieux » protéger les espaces naturels et d’aider les animaux de compagnie abandonnés. Rappelons que, dans l’enquête « Fractures françaises » de 2021, l’écologie était, à 39 %, le second sujet de préoccupation de la population. Il ne s’agissait pas alors, dans l’esprit des personnes interrogées, de développer le numérique dans les fermes ou de s’occuper des animaux abandonnés. Il s’agissait de réduire l’usage des pesticides et des herbicides, d’abandonner la monoculture, de revenir aux haies et aux espaces humides, de réduire le cheptel et d’arrêter les élevages en batterie, d’arrêter l’artificialisation et de s’interroger sur la contribution française à la réduction effective des émissions de GES.
Le programme d’E. Macron a perdu la fraicheur et l’allant qui caractérisait, quoi qu’on pense du fond, celui de 2017. Il s’est replié sur des valeurs familiales et familières (il s’engage par « le pacte entre les générations »), reste pauvre sur les questions économiques et financières, reprend désormais des propositions socialement agressives de la droite la plus traditionnelle et ne prend des questions écologiques ou agricoles qu’une vision techniciste qui ne peut pas rassurer. Au final, une des seules mesures intéressantes porte sur le projet de garde opposable des enfants de moins de trois ans. Ce constat prouve que le candidat Macron n’attache pas grande importance à ce document. Il a tort : certes les programmes sont peu lus, mais leurs aspérités ressortent. Il néglige trop le lien qui pourrait se nouer de ce fait avec les électeurs. Le pays est fragile, fatigué, inquiet. Seul un Président choisi et estimé pourra le conduire à accepter de nécessaires transformations.
Pergama, le 23 mars 2022.